Projet d’autoroute A147

L’état du dossier au 1er décembre 2021 – le point de vue de Marcel Bayle

Pour la CRI (coordination des Riverains et impactés)

1/ Au 1er décembre 2021, il n’y a pas d’évolution sur le site de la CNDP :

  • Le calendrier de la procédure ne fait état que des nominations de garants et de la lettre de la Présidente de la CNDP aux garants (lettre en date du 4 novembre 2021). Voir toutefois ci-dessous le point 3-6.

  • Aucune information n’est donnée sur les travaux de l’AE (Autorité environnementale), ni sur l’évolution du côté de la DREAL.

  • Les CV de deux garantes sont « en cours de rédaction ».

  • En somme, alors que les garants insistaient sur un calendrier contraint lors de notre réunion du 15 octobre dernier, cette urgence ne se manifeste pas sur le site de la CNDP.

  • A noter que ni la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), ni le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) ne prévoient ce projet autoroutier.

2/ Au 18 novembre 2021, un important document émanant de l’Autorité Environnementale (AE) est paru (Avis n° 2021-89 adopté lors de la séance du 18 novembre 2021 du CGEDD - Conseil général de l’environnement et du développement durable statuant en formation d’autorité environnementale). Merci à l’Association Barrage de l’avoir trouvé, car cette recherche n’était pas facile : la discrétion qui entourait ce document suggère que tout se passe comme si l’avis de l’AE ne faisait pas partie des informations essentielles. Pourtant on y découvre un travail très documenté

et des données fondamentales pour la suite du dossier. En voici un résumé assorti de quelques commentaires de ma part (en italiques) ; mais chacun trouvera profit à lire le texte intégral sur le lien :

 

http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/211118_cadrage_prealable_poitiers_limoges_86_87_delibere_cle1f82df.pdf

Je viens de demander à une garante de placer cet avis de l’AE, en version intégrale, sur le site de la CNDP. On verra bien sa réponse.

3/ Résumé de l’avis de l’AE :

  • 3-1/ Cet avis porte sur la qualité de l’étude d’impact présentée par le maître d’ouvrage et sur la prise en compte de l’environnement par le projet. l’AE est compétente pour répondre à la demande de cadrage formulée en application de l’article R.122-6 du code de l’environnement, tout comme elle le sera pour rendre un avis sur l’évaluation environnementale du projet. Le cadrage, exprimé dans l’avis que nous commentons ici, repose sur le dossier de saisine de la CNDP daté de juin 2021. Nous avons vainement demandé communication de ce dossier depuis la réunion du 15 octobre avec deux garants. L’AE nous apprend que ce dossier est « très synthétique », ce qui sonne comme un reproche d’imprécision. L’AE donne un avis sur l’état initial de l’environnement. La difficulté est de préciser, pour ensuite évaluer les impacts du projet autoroutier, si l’état initial est celui constaté aujourd’hui ou s’il s’agit de l’état environnemental après création des divers aménagements prévus ces prochaines années (créneaux de dépassement, mise à 2x2 voies sur Couzeix-Nieul, déviation de Lussac-les-Châteaux) ou déjà réalisés : contournements de Fleuré et Bellac. Technocratie quand tu nous tiens !... Pour nous, environnementalistes, l’état « initial », déjà bien abîmé, est évidemment celui que nous constatons en 2021 !!! L’AE est en grande partie de notre avis et note que le MO a réalisé un travail lacunaire pour définir l’état initial.

  • 3-2/ L’AE rappelle que le projet vise à aménager en section autoroutière à 2x2 voies, avec une vitesse maximale autorisée de 130km/h, la liaison Poitiers-Limoges sur une longueur d’environ 110 km comprise entre la liaison Nord-Est de Poitiers et la RN 520 au niveau de Limoges. Mon commentaire : l’AE n’étant saisie que de ce projet autoroutier, elle n’étudie pas les variantes constituant des alternatives. Donc on ne peut pas déduire de son avis que les variantes qui apparaissent dans les documents de la CNDP seraient désormais exclues ou oubliées. L’AE ne pouvait s’exprimer que sur ce dont elle était saisie, c’est à dire le projet autoroutier entre Limoges et Poitiers. Néanmoins, puisqu’elle n’était saisie ni de l’éventuel aménagement de la RN 145 (La Croisière – Bellac), ni de l’éventuel passage par la RN 141 avec bifurcation à Etagnac sur Confolens puis Poitiers, il semble bien que ces possibilités soient actuellement écartées par le Ministère). Ce qui n’est pas exclu, c’est l’éventuel aménagement de la RN 147 sans concession autoroutière, ainsi que la rénovation et l’amélioration du TER ; en effet cela figure dans les documents soumis à concertation préalable sous l’égide de la CNDP. De plus celle-ci invite toujours à formuler des suggestions non limitatives : tout est ouvert à la concertation.

  • 3-3/ Pour le cas où le projet autoroutier se réaliserait, le montant du péage envisagé serait de 13cts/km pour les voitures et 20cts/km pour les poids-lourds, soit respectivement 14 et 22 € sur la liaison Limoges-Poitiers.

  • 3-4/ Toute autoroute à péage suppose un itinéraire de substitution gratuit. C’est la RN147 actuelle qui sera amenée à jouer ce rôle, sauf là où des aménagements ont déjà été réalisés ou programmés. En effet, les créneaux de dépassements et les aménagements à deux fois deux voies, bien qu’ils aient été ou soient réalisés sur fonds publics, seraient versés à la concession. L’AE précise : « à ces endroits, les usagers de l’itinéraire de substitution devront emprunter les centre-bourgs concernés. C’est pourquoi le temps de parcours de l’itinéraire de substitution sera allongé par rapport à la situation actuelle. »

 

  • 3-5/ En dehors des tronçons déjà mis à deux fois deux voies, l’autoroute serait essentiellement créée en sites neufs sur des terres agricoles (674 ha) et dans des forêts (115,2 ha), pour une artificialisation évaluée à environ 800 hectares.

 

  • 3-6/ L’AE nous en dit plus sur le calendrier prévisionnel qui apparaît dans le document élaboré par le maître d’ouvrage et que nous n’avons pas eu : après la phase de concertation (2021-2023) et selon les conclusions tirées de cette concertation, une procédure de DUP (Déclaration d’Utilité Publique) serait engagée (2023-2026), puis un appel d’offres en vue de la mise en concession (2026-2028). Les études et travaux sont prévus sur la période 2028-2033, ce qui conduit l ’État à projeter une mise en service en 2035. Je constate que les garants semblaient mal informés lorsqu’ils nous ont dit que le calendrier était contraint : la phase de concertation est prévue par le maître d’ouvrage (Etat-DREAL) jusqu’en 2023, ce qui laisserait place au grand débat public demandé par LNE (demande relayée par le journal Le Populaire en date du 27 novembre 2021).

 

  • 3-7/ L’avis de l’AE est très convaincant lorsqu’il traite de l’artificialisation des sols : l’emprise du projet sera responsable d’une artificialisation directe « hors du commun » (près de 800 ha comme déjà indiqué). De l’aveu même du MO, le projet pourrait être « incompatible avec l’objectif affiché dans les documents d’urbanisme de densifier les centres-villes et de maîtriser l’expansion de l’habitat pavillonnaire et des zones d’activité. » Par exemple, le SRADDET fixe comme objectif décisif la réduction de 50% de la consommation foncière par rapport aux pratiques antérieures.

 

  • 3-8/ Taux d’utilisation de l’autoroute par les usagers : La circulation prévue est « particulièrement faible pour une autoroute (en moyenne 5030 véh./j. pour les VL et 910 véh./j. pour les PL) du fait d’un mauvais taux de report du trafic sur l’autoroute. Par exemple, sur le tronçon Poitiers/Lussac-les-Châteaux et par rapport à la situation de référence modélisée sur 2035, la majorité (52%, soit 5900véh./j.) des VL emprunterait l’itinéraire de substitution, le reste l’autoroute (5500véh./j.). Sur la section Bellac-Limoges, l’autoroute capterait 54% du trafic de l’itinéraire (4600véh./j., contre 3900véh./j. sur l’itinéraire de substitution).

 

  • 3-9/ Coût financier des travaux autoroutiers : l’AE indique que, selon le dossier de saisine de la CNDP, une subvention dite "d'équilibre" au bénéfice du concessionnaire serait d’un montant estimé pouvant atteindre 771 millions d'euros. L'infrastructure serait donc financée pour plus des trois quarts par des fonds publics ; mais le privé recevrait 100% des bénéfices futurs (si bénéfices il devait y avoir).