Le jeudi 2 juin, une délégation composée d’élus de la Vienne, de la Creuse, de la Haute-Vienne, de l’Indre, des représentants des associations environnementales et d’usagers qui ont porté avec succès les différents recours obtenant l’annulation de la Déclaration d’Utilité Publique de la LGV Limoges Poitiers sera reçue au ministère des transports.

Alors que certains élus s'entêtent et voudraient "passer outre" l'annulation de la DUP, il est important d’analyser et de dire ce que cette annulation en Conseil d'Etat signifie juridiquement et politiquement, et de le dire au Ministère des transports.

 

Analyse de la CRI Coordination des Riverains et Impactés, contre la LGV Limoges-Poitiers

La Coordination CRI sera reçue, avec d’autres associations et des élus, par quatre conseillers du Secrétaire d’Etat aux transports le 2 juin 2016 à Paris.

La Coordination CRI a analysé la portée de l’annulation de la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) de la LGV. L’objet de la réunion du 2 juin est de tirer toutes les conséquences de cette annulation afin que plus aucune séquelle ne subsiste de cette maladie politique que fut le projet extravagant de LGV Limoges-Poitiers. Le présent communiqué répertorie les principales conséquences de cette mise à néant de la déclaration d’utilité publique.

Conséquences budgétaires

 

-         Les sommes que le Limousin a versées pour la construction de la LGV Tours-Bordeaux, sorte de droit de raccordement de « sa  LGV fantôme » sur cette LGV réelle, restent dans un statut juridique flou. La fusion des régions devrait probablement faire renter le génie des LGV dans la lampe merveilleuse de la Grande Aquitaine.

-         Les sommes que le Limousin avait budgétisées pour préciser l’avant-projet définitif (APD)  de la LGV doivent être réaffectées par la nouvelle grande Région. La Coordination CRI demande à ce qu’elles soient consacrées à la rénovation et à l’amélioration de la ligne POLT et des lignes TER. Cette demande est importante pour clarifier le budget prévisionnel de la grande région actuelle. La Région Limousin avait en effet prévu d’engager dix millions et demi d’euros ( !) sur les nouvelles études de la LGV, sur les 42 millions que le Contrat de Plan Etat/Région (CPER) affectait à ces nouvelles études. Toutes les collectivités territoriales qui avaient budgétisé des crédits pour les nouvelles études doivent opérer cette clarification. 

Conséquences sur les aménagements routiers :

-         Le tracé des routes et la structure des carrefours ne doivent plus être dépendants du tracé de la LGV. Cette corrélation entraînait des zigzags notamment pour la RN 147 en projet de mise à deux fois deux voies. Les « Lunettes de Grossereix », important carrefour des voies d’accès au nord de Limoges, devenaient impossibles à redessiner et à concevoir à cause du tracé de la LGV (qui passait par là aussi). Il faut reprendre les études de ces aménagements routiers expurgés des interférences du fantôme LGV. Les réalisations en seront rationalisées, les trajets raccourcis pour les automobilistes, donc les destructions de l’environnement naturel et des habitats humains seront moindres. Et moins onéreux seront ces aménagements.

Conséquences juridiques

Est nul le décret de Déclaration d’Utilité Publique de la LGV Poitiers-Limoges, décret du 10 janvier 2015. Il constituait la base légale des actes faits en vue de la réalisation de cette ligne ferroviaire à voie unique. Cette base légale étant supprimée rétroactivement, l’ensemble du processus, avant et après cette date, est nul et non avenu.

Conséquences sur les actes faits avant le 10 janvier 2015 :

-         La grande enquête publique de 2013 est nulle parce qu’irrégulière. Le Conseil d’Etat a relevé (parmi les irrégularités que la CRI et ses co-requérants avait dénoncées) l’absence d’information fiable donnée aux citoyens lors de cette enquête publique qui consistait précisément à recueillir leurs avis. Le Conseil d’Etat a écrit : « l’insuffisance dont se trouve ainsi entachée l’évaluation économique et sociale a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population et été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; le décret attaqué a ainsi été adopté dans des conditions irrégulières ». Cette formulation est une manière de délier les citoyens favorables à la LGV qui se sont laissé abuser par l’énorme dossier lacunaire qui leur était soumis en 2013. C’est aussi une façon de dédouaner les signataires du décret annulé (Premier ministre et plusieurs ministres) : tous ont été trompés par le contenu insuffisant et erroné du dossier préparé par la Société RFF (aujourd’hui SNCF réseau). L’irrégularité de ce montage est la principale cause d’annulation … de la LGV. Si un jour le personnel politique demandait une nouvelle Déclaration d’Utilité Publique de LGV Limoges-Poitiers, il faudrait soumettre aux citoyens un plan de financement précis et crédible, des mesures de protection de l’environnement naturel qui soient efficaces, des garanties réelles pour les agriculteurs (notamment en matière de rétablissements des points d’eau) et une autre gestion de l’habitat humain.

-         Les crédits qui ont été affectés aux études passées ne peuvent être remis en cause : ils ont été dépensés et ont rémunéré de nombreux bureaux d’études et sous-traitants de RFF. Ces derniers ont certes effectué un travail inutile mais les contrats qui les liaient à RFF ne peuvent être remis en cause. L’argent public qui y a été consacré ne peut pas faire l’objet de remboursement de la part de ces bureaux d’études.

-          Toutefois, les défectuosités du dossier d’enquête publique, tel que ce dossier a été globalement conçu par RFF, sont peut-être de nature à engager la responsabilité civile de SNCF Réseau à l’égard des collectivités territoriales qui ont engagé d’importants financements dans cette affaire douteuse. Il sera intéressant d’approfondir cette question dont chaque citoyen peut s’emparer en tant que contribuable. RFF n’a-t-il pas fait miroiter, pour certains décideurs, une faisabilité de cette LGV contre toute vraisemblance ? Le Conseil d’Etat, en relevant « l’insuffisance dont se trouve ainsi entachée l’évaluation économique et sociale », ne fait-il pas apparaître une lacune fautive ? Si faute il y a eu, des responsabilités ne doivent-elles pas être recherchées ? La Coordination CRI, auteur de ce questionnement, sera attentive aux éléments de réponse qui se dégageront progressivement.

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-         Conséquences sur les actes faits depuis le 10 janvier 2015 :

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-         Le processus de remembrement lié à la LGV (AFAF) est nul puisqu’il se fondait sur une DUP annulée. Neuf enquêtes publiques, ouvertes à l’automne 2015, ont eu lieu uniquement en Haute-Vienne sur les communes impactées par le projet de LGV. Ces enquêtes publiques sont nulles elles aussi.  Donc les réserves foncières constituées à l’initiative du département de Haute-Vienne sont sans fondement. On note que le Département de la Vienne a attendu l’issue du contentieux en Conseil d’Etat sans mettre en œuvre le remembrement. Le zèle de la Haute-Vienne ne résultait donc pas d’une obligation impérative.

-         La mise en compatibilité des documents d’urbanisme des communes impactées est elle-même nulle. Les zones « réservées » au passage de la LGV doivent retrouver leur classement antérieur, qu’il s’agisse de zones initialement constructibles, devenues inconstructibles par la magie de la LGV, ou de zones naturelles et forestières ou de zones agricoles. Les documents d’urbanisme doivent donc, dans les meilleurs délais,  être expurgés du tracé de la LGV et de ses zones réservées.

-         Pour les propriétaires impactés : la Coordination CRI leur avait conseillé de mettre en demeure SNCF Réseau d’acheter leur propriété. Beaucoup l’ont fait et SNCF réseau avait un délai pour répondre. Ce délai n’est pas encore écoulé. En toute logique la réponse devrait être maintenant un refus définitif d’acheter. Dès que les documents d’urbanisme auront été rectifiés, les propriétaires et locataires des parcelles un temps impactées pourront dormir enfin tranquilles, après de nombreuses années peuplées de cauchemars. Et qu’on ne leur parle pas de « passer outre » la décision du Conseil d’Etat !

 

-         Conséquences politiques :

-         Dans un premier temps, des élus ont affirmé qu’ils « passeraient outre »  l’annulation de la DUP.  C’était oublier que le Conseil d’Etat, qui est la plus haute juridiction administrative, a rendu dans cette affaire un arrêt (et non pas un simple avis), c’est-à-dire une décision de justice qui a force exécutoire et n’est pas susceptible de recours. Vouloir passer outre était puéril et indigne de la représentation des citoyens. La CRI a d’ailleurs aussitôt publié un communiqué attirant l’attention sur la valeur d’exemple de tels propos pour des jeunes ou pour des personnes condamnées en justice à payer ou à faire quelque chose. Veut-on inciter chacun à passer outre les décisions de justice ou bien certains décideurs se sont-ils constitués en caste supérieure aux juges et dictant le contenu de certains médias ? N’est-ce pas l’un des motifs d’exaspération des citoyens ? Qui parle de chienlit en ce moment ?

-         Un mois après l’annulation de la DUP, les mêmes donneurs d'ordres font silence sur la LGV Limoges-Poitiers. Bien entendu ils ne reconnaîtront jamais qu’ils s’étaient fourvoyés ; mais désormais le projet fou n’apparaît plus dans les propos des élus interviewés sur les grands travaux futurs : c’est  bon signe ! Il faudra toutefois éplucher les budgets prévisionnels des collectivités territoriales pour en savoir plus.

-         Répétons-le : les principaux élus de Haute-Vienne aurait été mieux inspirés d’attendre l’issue du contentieux au lieu d’accroître les dépenses liées aux études, au remembrement et aux réserves foncières. Ils ont également accru l’anxiété des habitants sacrifiés, ce qui est encore plus grave.

-         La CRI avait demandé, lorsque le Premier Ministre avait signé la DUP en janvier 2015, que rien ne soit fait tant que le procès administratif ne serait pas clos. Les « principaux » élus de Haute-Vienne avaient rétorqué que nos recours n’étaient pas suspensifs (ce qui est vrai) et qu’il n’y avait pas lieu d’attendre (on voit aujourd’hui à quel point c’était faux). A trop vouloir rendre irréversible le projet de LGV, les décideurs de Haute-Vienne et de Limoges ont commis une faute politique, en partie due à un montage très approximatif et étonnamment hasardeux de la part du gestionnaire du réseau ferré.

Pour la Coordination CRI, le 25 mai 2016,

Marcel Bayle Etang du Picq, 87510 Peyrilhac

 Contact : Marcel Bayle  00 33 6 14 34 39 09